dimanche 25 octobre 2015

Gibier d'élevage de Kenzaburô Ôé

Connaissez-vous le prix Akutagawa ?
Pour ma part, je ne connais son existence que depuis quelques jours, depuis que mon libraire m'a orientée vers ce livre de Kenzaburô Ôé (découverte de l'auteur également).
C'est l'équivalent du prix Goncourt au Japon. L'auteur l'a reçu pour Gibier d'élevage en 1958. Un livre qui avec moins de 100 pages ressemble presque à une nouvelle, ce qui m'a amené à me demander si le Goncourt avait déjà récompensé un livre de format court. Quantité ne fait pas qualité, c'est certain mais bon, je m'interroge...
Je ne lis que très rarement des livres d'auteurs asiatiques car je crains de ne pas avoir les références culturelles pour les comprendre. Ce n'est pas le cas avec celui-ci qui aborde des thèmes assez universels et notamment celui de la différence, de l'altérité.
Le récit se déroule au Japon au cours de la Seconde guerre mondiale. La guerre semble lointaine pour les habitants de ce "village de défricheurs" perdu dans la montagne, coupé de la ville par des chemins devenus impraticables en raison de pluies torrentielles. L'école a été fermée, les enfants s'ennuient tandis que les parents s'occupent des champs ou partent chasser comme le père du personnage principal dont on ne saura pas le nom. On comprend qu'il est entre l'enfance et l'adolescence et qu'il doit veiller sur son frère plus jeune pendant les longues journées de chasse du père. Il doit aussi s'affirmer face à Bec-de-Lièvre, un petit dur qui impose sa loi à tous les enfants. 
Un jour, un avion américain atterrit dans la montagne et les hommes du village partent à la recherche de l'équipage ennemi. Ils reviennent avec un seul captif, un soldat américain à la peau noire. Les villageois ne savent que faire de ce prisonnier. Un fonctionnaire de la ville, contacté avec difficulté explique qu'il faut attendre les ordres de la préfecture. Les enfants sont effrayés par cet homme si différent, les adultes, quant à eux ne sont guère rassurés mais il faut cependant veiller à son approvisionnement. C'est finalement au fils du chasseur que l'on confie cette mission, le prisonnier étant enfermé dans la cave de la resserre communautaire où sa famille et lui habitent. Avec les jours qui passent, la mission d'abord sous surveillance des adultes devient le monopole des enfants, notre héros, son jeune frère et l'inévitable Bec-de-Lièvre qui monnaye ferme l'accès au soupirail permettant d'apercevoir le captif, véritable sujet de curiosité, de peur et de fascination pour les enfants. Sans méchanceté particulière (du moins, le considèrent-ils ainsi), les enfants le traitent comme un animal (oui, je me doute que ça peut choquer mais ils emploient le même terme pour les citadins), un animal superbe qu'il faut apprivoiser. Dis comme ça, c'est un peu réducteur. Pourtant, le titre interpelle bien sur une forme d'animalité mais peut-être est-ce une manière pour ces enfants naïfs et frustres de gérer l'altérité, de l'apprivoiser pour en avoir moins peur ? C'est certainement extrêmement maladroit mais pour autant la vraie cruauté ne viendra pas d'eux.
Un récit qui questionne assez habilement des thèmes nombreux comme ceux de l'humanité ou de la bestialité, de la différence, du racisme, des rapports de confiance ou de défiance et qui fait aussi la part belle à l'évocation des sens. Pas bien volumineux mais assez ambitieux en somme.

2 commentaires:

  1. Je suis rarement tentée par la littérature japonaise...

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    1. Moi, c'est pareil en fait. J'ai dans ma PAL "La femme des sables" de Kôbô Abê qui attend depuis des lustres (et je viens de vérifier, il a aussi reçu le prix Akutagawa).

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